vendredi, mai 30, 2008

Maintenant tu fermes ta gueule et tu dis bonjour aux endives


Voici le dernier achat au niveau des gravures, je tiens à remercier les nombreux collaborateurs et assistants téléphonique pour cette houleuse transaction. Nous vivons une époque géniale.

La gravure est mignonne, bonne tête, bien XIXème (1846 pour être précis). Comme vous pouvez le voir ce n'est pas une gravure de collection, non c'est une gravure sentimentale.

Cette feuille présente l'un des plus nobles chevaliers de la belle noblesse bretonne: Tanneguy du Chastel (mort bravement en 1449) l'homme qui d'un coup d'épée bien placé tua le duc de Bourgogne Jean sans Peur (guerre de cent ans oblige) et qui pesa de tout son poids politique pour que Jeanne d'Arc puisse voir le Dauphin. Bref un beau breton avec des idéaux et qui a nettoyé cette terre d'un duc de Bourgogne vendu aux Anglois. Et c'est en l'honneur de ce genre de personne que des gamins à tête blonde continuent de s'appeler Tanguy.

Moi je suis ému d'avoir réussi à la trouver cette gravure en tout cas. Oui je suis un grand sentimental.
Satyriquement




jeudi, mai 29, 2008

Et sinon vous dansez ?


Voyez-vous comme je suis un jeune adulte parisien et totalement dans l’ère du temps j’ai un petit carnet genre « peau de taupe ». Dedans, outre mes émois de jeune adolescente, je note les choses « digne d’intérêt et de reconnaissance publique pour les sujets de notre bon royaume ». Ainsi donc moult choses griffonnées au bas des pages sans beaucoup de consistance et l’on doit bien reconnaître qu’il n’est pas rare de ne pouvoir se relire.

Or (attention insertion de la première péripétie) durant ma résidence estivale en mes terres bretonnes j’écoutais avec beaucoup d’attention la radio. Et voilà que les ondes d’Euterpe viennent en mon fief pour me faire découvrir en mon sein un poète: Jean-Paul de Dadelsen. Chose entendue, chose notée. Et chose relue hier dans la librairie parisienne du Satyre.

Ô muse vient en ma plume me donner le courage et l’abnégation qu’il me faut pour te satisfaire (genre « les Martyrs » de Chateaubriand ça commence vraiment comme ça, oui ça n’a pas très bien vieilli parfois) et permettez-moi de poser un extrait de ce livre que j’ai acheté pas plus tard qu’hier.

Juste un extrait car c’est tout de même long, de plus que le livre est imprimé dans le sens de la longueur, l’avenir est dans le nouveau hein.

Je n’en dis pas plus, vous sentez déjà venir l’entourloupe, et oui…attendez un peu de voir le titre du poème :

Jonas

Bach en automne

VI. Sur le nom de Bach

Dans la gamme couleur d’automne de si bémol mineur, descend
Cette première marche jusqu’à la note sensible ! Le nom alors se hisse
Jusqu’à do, le niveau de la réalité. Et, de nouveau, du même demi-ton,
Retombe
Sur ce si dont la vibration suspendue appelle une nouvelle ascension.
Le clavier est l’image du monde. Comme l’échelle de Jacob
Il nous traverse de bout en bout.

Regarde la corde tendue sur son frêle berceau de bois : chaque montée,
Même d’un dièze, augmente son effort. Mais pour descendre, simplement
Relâche sa contrainte !
Gamme qui s’élève avec peine, telle la femme de Loth, regardant en arrière, et
Sitôt qu’elle cède à sa pente, devient plus lasse encore, plus tendre aussi, plus
Condamnée, plus entraînée vers les eaux de l’amertume et de la séparation.
Que suis-je, livré à moi-même ?

Le renard pris au piège à dents aiguës se coupe une patte pour retrouver
Sa libre faim parmi les arbres noirs. La chenille se hâte vers le soir
Où elle ira se brûler à la lampe. Le cerf brame après la fraîcheur des eaux.
Rien n’est tout à fait muet.
Même la pierre est active. Rien ne se refuse, sauf,
Quand elle se complait à elle-même dans les ténèbres de sa captivité,
L’âme.

Jonas de Jean-Paul de Dadelsen, nrf gallimard/poésie.

Donc voilà j’avais noté son nom il y a quelques mois et là je le retrouve dans une librairie près du palais royal, il aime et parle de Bach tout du long.
Ce poème fait référence à l’ultime fugue inachevée de l’art de la fugue où Bach utilise les notes en rapport avec les lettres de son nom pour faire un thème. Je ne la mets pas en ligne car si vous n’avez jamais écouté l’art de la fugue vous craignez et là je ne peux rien y faire. Point.
Et si vous avez des remords achetez la version de Gould, Sept euros à tout casser et un monument de l’enregistrement classique de ces 50 dernières années.
Petite photo pour finir, celui qui me donne le nom de l'église parisienne où se trouve ce distributeur d'eau bénite à droit à un mail de louanges.

Sur ce mes enfants, n'oubliez pas que si l'on clique sur les choix littéraires et musicaux il se passe des choses admirables.

Satyriquement

lundi, mai 26, 2008

autoportait en lombric géant


S’il existe un compositeur qui m’a toujours fait peur c’est Beethoven.
Il parait si massif, si complexe, le roi de la grande forme. Cette peur a été alimentée par les quatuors. Œuvres que tous qualifient de sublimes, mais moi je n’y comprends rien. J’avoue ma faiblesse face à ce Beethoven et j’en ai finit par l’éviter… le croisant de temps à autres entre deux sonates pour piano ou avec Gould. Mais jamais je n’ai « plongé » dans un Beethoven comme je l’ai fait avec un Schubert.

Le tout est de le prendre comme on prendrait une place forte. Je ne peux pas entrer par les quatuors, soit. Donc je vais l’attaquer, le saper par d’autres faces.
Ainsi donc je vous propose de m’accompagner dans ma découverte de Beethoven, je vais essayer d’apprivoiser la bête.
Mon plan d’attaque est relativement simple: je vais rentrer par la musique celtique et par le concerto pour piano. D’ailleurs à l’heure où je vous parle l’assaut à déjà commencé.

Aujourd’hui j’ai acheté Irish & Scottish songs de Beethoven. Un recueil de chants populaires des îles britanniques harmonisés par Beethoven dans les années 1810. Mais comme rien n’est simple ces œuvres sont très controversées… les musicologues les décrivent souvent comme des œuvres mineures exécutées pour pouvoir manger et les musiciens les boudent souvent car les mélodies ne sont pas de la main du maître…
Bon, ça semble mal parti. Mais c’est sans compter l’excellent livret du cd qui vous démontre le contraire, en effet Beethoven à ce moment est au fait de sa gloire et donc les problèmes d’argent sont mineurs, en témoignent les plusieurs mois passés à harmoniser tout ceci. Ce qui montre parfaitement la réflexion et l’attention portées à ces œuvres. Je vous épargne les citations de correspondances.

Donc c’est un Beethoven populaire, traditionnel que nous avons ici. Vous connaissez mes affinités pour la musique celtique, que l’on retrouve doucement dans cet enregistrement. Petit plus nous sommes sur instruments anciens, avec notamment un superbe pianoforte de 1806. Les harmonisations sont pour soprane, baryton, ténor, pianoforte, violoncelle et violon.
Présentation faites nous pouvons parler de la musique…

En écoutant tout ceci je ne peux m’empêcher de faire des rapports avec Schubert, on retrouve nombre de sonorités en commun. Logique. J’en suis donc moins effrayé par ce mystérieux Beethoven. Mais parlons avant de l’aspect écossais de la chose. Les gammes et les intervalles typiques de cette musique nous sautent à la gorge, comme un phare dans la tempête. Le tout se marrie admirablement à des harmonisations modernes, des sublimes passages de mineur à majeur, des lumières et surtout des ambiances très fortes. Beethoven semble ici un magicien vous installant une ambiance en quelques notes, en une simple introduction. Ainsi on pense à ce XIXème naissant se mêlant à cette musique de nos campagnes, l’intellectualisme à la tradition. Tout devient moins lourd ; le savant perd de son hiératisme et le populaire gagne en noblesse.
Beethoven semble tout à coup un peu plus humain et un peu plus proche…
Certaines pièces se rattachent directement au travail de Schubert sur des poèmes de Walter Scott. Une esthétique romantique allemande au service d’une culture celte.

Ici nous inaugurons une chose nouvelle, un petit truc satyrique qui va, j’en suis sûr, changer votre ennui en émotion bouleversante. Vous allez pouvoir écouter tout ceci pour pas un sou, en effet grâce à Mister Captain Dada je peux mettre en ligne de la musique et vous la faire partager… Mmmh bande de petits veinards (vous pouvez le maudire). Et donc ici je peux vous mettre un extrait du disque et vous permettre d’entrevoir ce Beethoven écossais, on n’arrête pas le progrès ! Je vous demanderai par contre d’être bavard pour que je puisse voir si ça marche ou pas, si ça vaut le coup de recommencer, merci les gens.



Donc ici c'est une chanson à boire, bien festive. Le tout arrangé dans un style bien plus intellectuel qu'il peut sembler au premier regard, écoutez les changements, les différents type de jeux, le violon...

Suite des aventures Beethoviennes avec les concertos pour piano.

Satyriquement (photo d' A. Catalin)

vendredi, mai 23, 2008

adjugé !


Voyez-vous aujourd’hui j’ai découvert un truc qui s’apparente au mal. Un magasin parfaitement miteux avec à l’intérieur des tonnes de gravures et de dessins pour des sommes allant de 15 euros à quelques milliers de ces derniers…je dois avouer qu’il y avait un petit dessin XIXème qui a faillit passer à la casserole. Dieu merci je n’avais pas mon portefeuille.
Alors pour fêter ça j’écoute de la musique irlandaise très fort pour que ça résonne dans ma cour et pour, en quelque sorte, emmerder mes voisins. Oui car maintenant je fais la méthode des représailles.

Comment ça marche ?
Exemple précis ; ce matin la petite fille d’au-dessus qui pleure à 7h et la maman de lui crier dessus sans relâche jusqu’à 8h30 (je sais tout d’elle à présent, refus de petit déjeuner et de s’habiller apparemment). Ainsi donc nous regardons dans le « tableau des représailles » la ligne correspondante à l’accusation susnommée et cela donne très clairement :
Jig et chanson rebelles irlandaises au son maximum pendant une heure. Fenêtre ouverte.

Dernièrement ils ont eu droit à un concerto pour piano de Bach qui a fait trembler les murs. La technique des représailles est sans pitié.
Sinon je reviens de chez Drouot, que des ventes molles, aucun entrain...il y avait des chaises marrantes pour 10 euros et sinon, si ça vous interesse, un casque à pointe allemand de la première guerre ça part à 400 euros environ.

Je vous embrasse tendrement, oui c’est tout car le satyre ce n’est pas que de la culture ; c’est aussi de l’amour.

Satyriquement

lundi, mai 19, 2008

Timmy ! Timmy ?

En ce moment je suis dans une euphorie permanente, un peu du genre « ouais on prend le bus ! » ou bien « oh mais ce mec ressemble à Schubert ». Et c’est ainsi que je pointe du doigt un de mes gros soucis du moment : je vois Schubert un peu partout.
Dès que je vois un bonhomme un peu bedonnant frisé avec des lunettes je l’associe à Schubert. Le problème est de taille. Relativisons tout de même car comme on me l’a dit récemment :
« tu pourrais voir Jean Jaurès un peu partout ».




Donc ce week-end, avec notre tête blonde préférée, j’ai fait (entre autre) Monumenta 2008 par Mr. Serra au Grand Palais.
Bon. Déjà je veux souligner que c’est encore une exposition d’art moderne et que depuis celle du musée de Prague (et ses œuvres d’une puissance révélatrice sans nom qui me rappelaient à chaque secondes de ma vie que nous sommes sujets à une condition humaine insoutenable et que la polymorphisation de notre environnement reste insoutenable) j’essaye d’ouvrir mon mental et ma culture. Je tiens à dire que celle-ci a été aussi plus sérieuse ; pas de vin ni de femmes nues. J’ai même ressenti « un truc ».

Le gars il a planté 5 plaques d’acier, de quelques quinze mètres je dirais, au beau milieu de l’espace de la verrière du grand palais vide. Et c’est en effet Monumenta. Bon au début je n’ai pas réussi à empêcher un « bordel je me suis fait tirer 2 euros » de sortir de ma bouche quand j’ai vu la chose. (4 euros pour vous bande de non-écolier du Louvre). Mais on se balade, on « investit » la performance, on se dit que le bonhomme il a reçu des subventions et que donc on a étudié son truc (vous remarquerez mon critère de jugement fort important : la subvention de l’argent du contribuable) et que forcément il y a quelque chose à comprendre. Il y a même un petit papier à lire avec une interviou du bonhomme. Et bien moi j’ai trouvé l’expérience intéressante dans le sens où on se sent presque oppressé par l’espace qu’on occupe. Je n’en dirai pas plus. L’expérience est intéressante, c’est solennel comme ambiance, j’ai aimé tout de même. Limite on va y retourner pour bien saisir le truc.
Enfin l’exposition s’est quand même conclue par les gravures de Goya juste en face au petit palais. Sublime. Courez-y.



Enfin aujourd’hui j’ai découvert Pollock le chat. Il figure à présent dans mes liens. Ce chat est l’illustration de l’animal « hype ». Campé derrière sa fenêtre sur rue, il vous dit bonjour perché sur un superbe tabouret en bois. C’est un peu le chat de ceux qui n’en ont pas (où qui ne veulent pas torcher la litière). Bref un chat qu’il est bon de lui dire bonjour en passant comme ça dans une rue près de Montparnasse… Puis un chat avec une carte de visite et un blog. hein.

Pour conclure deux choses : attention aux faux Schuberts et oui, l’annonce faite à propos de mon déjeuner de samedi est vraie, détails au téléphone.

Satyriquement

dimanche, mai 18, 2008

Prises du Week end




Un week-end parisien des plus agités, plusieurs expositions dont une d'art moderne (cf. photo) et j'adore cette ville.

Et j'ai déjeuné avec Francis Lalanne.


Satyriquement

samedi, mai 17, 2008

Werther's original


« Ils sont chargés… Minuit sonne, ainsi soit-il donc ! Charlotte ! Charlotte, adieu ! adieu ! »

Ainsi j’ai lu Les souffrances du jeune Werther de Goethe. Alors comme vous avez remarqué je suis dans ma période « romantique, Chateaubriand, ah je succombe devant tant de transports d’âme », donc je comprendrai très bien que vous ne lisiez point cet article. Oui car les femmes en robes antiques et les beaux blonds avec leur émois face à la grandeur d’une falaise je peux comprendre que ça ne touche pas son public.
Ainsi donc je l’ai lu, je dois avouer que ça s’appelle une « branlée littéraire ». J’ai été fasciné par ce bouquin, son histoire, son contenu, son auteur, tout. Même la préface (de Pierre Bertaux) est géniale. Mais comme me l’a dit ma compagne : « ça se plaint, ça gémit tout le temps sur soi-même, c’est normal que vous aimiez ».
Et oui j’aime, les souffrances de cet homme analysées dans leur plus petites failles, chaque émois observés, des actes pesés et insoutenables. Et pourtant, derrière une exaltation de sentiments sans bornes on reste sans cesse frappé par les mots de Goethe à propos de son œuvre…on en apprend alors une distance que l’on observe soigneusement et le livre prend alors sa dimension. Je ne dis pas qu’il faille rester insensible, bien au contraire…versez donc une larme, mais gardez en tête que là n’est point l’unique et seul visée. Nous sommes face à un monument de la littérature occidentale, tout y est déjà, 1774 et déjà la nature se fait consolatrice comme chez Wagner, l’Homme se fait perdu et nulle part à sa place semblable à Chateaubriand, la musique devient un refuge à l’image d’un certain Chopin…ce livre pose les jalons de cent ans d’art environ, tout y est déjà. On retrouve l’épique et le nationalisme d’un Liszt, la poésie d’un Hugo et bien sûr les paysages d’un Friedrich. Je reste admiratif. Lire ce genre de livre c’est se prêter à un jeu, celui d’admettre qu’une femme pleure au moindre sentiment, qu’un homme s’emporte dans des récitations de vers à la moindre face de lune, il faut accepter ce côté emphatique et même l’apprécier. C’est comme un langage dont Goethe avait bien conscience.



Pour fêter ceci je suis allé voir une exposition que je m’en vais aussi vous conseiller :
« L’âge d’or du romantisme allemand, Aquarelles et dessins à l’époque de Goethe »

Une chose est tout bonnement géniale à Paris, vous pouvez être pris d’une passion pour l’évolution du fixe-chaussette dans les civilisations slaves et bien vous trouverez une exposition voir même un musée sur le thème. Tout simplement génial. Ainsi donc me voilà en direction du musée de la vie romantique de Paris, en plein quartier de « la nouvelle Athènes » comme on l’appelait à l’époque (faut imaginer la femme en toge pleurant sur un bout de pied en marbre et vous avez le contexte du quartier à l’époque, ah le romantisme !), quartier à présent « chaud » comme on dit de nos jours, oh Pigalle, les petites femmes de Paris. Ainsi je me dirige gaillardement vers cet hôtel particulier où passait de temps à autres Lamartine, Sand et autre Chopin pour prendre un café avec le propriétaire des lieux. Lieux charmants d’ailleurs.
J’ai admiré ainsi l’évolution d’un dessin de Goethe au Nazaréens avec pour toile de fond l’Allemagne romantique. Très belle exposition, des pièces de toutes beautés, du Goethe, du Friedrich, le tout provenant de meilleures collections. Petit plus ; la muséographie est très bien faite. Et donc vous admirez la nature se faisant de plus en plus présente, les mythes germaniques poindre, les belles muses et puis les thèmes un peu morbides de Friedrich. On y voit aussi l’histoire du moment et notamment les invasions napoléoniennes. Une aquarelle géniale caricature une bataille où les français se seraient repliés dans un cimetière étant ainsi sûr d’être protégés par le sacré du lieu ; on y voit des lièvres terrifiés au milieu de pierres tombales. Bon là ce n’est pas drôle mais une fois devant ça l’est.
Ça reste assez complexe de commenter une exposition d’œuvres picturales les enfants.
J’ai acheté le catalogue de l’expo, il ne va pas tarder à passer en lecture du moment et donc en conseil de Zoé (sur lequel vous pouvez cliquer car le lien marche, que du rêve).

Bien à vous

Satyriquement

jeudi, mai 15, 2008

Ladies & Gentlemen


Hier c’était piano au Théâtre des Champs Élysées, Richard Goode pour un, je cite, « hommage à Chopin ».
Tout d’abord je tiens à souligner le fait que ce n’est qu’au bout du dixième concert là-bas que j’arrive enfin à repérer (donc à acheter) les places avec une bonne visibilité et acoustique. Le Winterreise en nocturne je l’ai encore entre les dents.
Ainsi donc le programme du soir (dans l’ordre d’apparition mesdames et messieurs) :

_ Des extraits du Clavier bien tempéré de Bach
_ Nocturnes, Mazurkas et impromptu de Chopin
_ La sonate Clair de Lune de Ludwig (van Beethoven)

Entracte (le japonais recharge son Canon et la comtesse va se repoudrer)

_ Deux études de Debussy
_ Nocturne, Le scherzo n°4 et une polonaise de Chopin

Bis

_ Deux pièces de Chopin.


L’homme arrive sur scène, un new yorkais au visage fort sympathique emprunt tout de même d’un certain contentement. Il enclenche alors doucement Bach, des préludes et fugues. Un son d’une douceur rare, j’ai été tout de suite frappé par ce touché de velours soyeux. Un jeu satiné souligné par un art du phrasé tout aussi doux et sans précipitation. Bach était superbement servit. Le prélude s’achève, la fugue entre en scène… Du bras droit il dessine dans l’air le sujet de la fugue comme pour illustrer sa main gauche, et enfin s’abat sur le clavier pour la réponse. Son jeu dans Bach prend alors une dimension joviale et presque ludique, le son doux et feutré participe pleinement à l’épanouissement de cette atmosphère. Les préludes et fugues s’enchainent dans une parfaite harmonie et une grande sensibilité. Sensibilité, intériorisation qui se marrie parfaitement avec la « mécanique » de l’écriture du Kantor de Leipzig, en effet le pianiste semble garder ses distances vis-à-vis des pièces, suivant avidement les notes sur la partition. Je ne peux résister à comparer cette interprétation à celle de Gould ; la lenteur même et une façon de construire les fugues dans cette approche en douceur qui laisse pleinement le temps d’admirer ces monuments que Liszt comparera à l’architecture gothique.
Bach s’achève pour laisser entrer Chopin. L’homme range ses partitions et laisse un pupitre vide.

J’avoue que ce concert m’a particulièrement marqué de par le fait qu’il a été le lieu d’une grande réflexion, son jeu était totalement intellectuel. Le Nocturne n°13 opus 48 n°1 était la première pièce, une œuvre avec de très grands écarts de notes, la main gauche allait loin chercher ses notes à l’exemple de la droite. Une pièce aux forts contrastes donc et surtout laissant imaginer au public que les notes s’écartent comme pour mieux les laisser entrer dans l’univers de Chopin.
Le récital se poursuit et inlassablement je remarque cette douceur de son et surtout un homme gardant ses distances, jouant sublimement avec une grande finesse, mais toujours il se refuse à entrer dans une sentimentalité exacerbée. Il se refusait presque de croire en ces Mazurkas ou bien de se laisser rêver sous la voûte d’un nocturne.
S’est ouvert alors une notion, une idée : la distanciation vis-à-vis de l’œuvre même. Soulignant ainsi que tout œuvre est le fruit d’un travail avant tout et que se plonger désespérément dans le ressenti et se laisser infliger ses émotions premières n’est pas la voie pour apprécier pleinement la pièce. En gardant une attitude presque hiératique face à ces envoutantes Mazurkas, Goode a exprimé quelque chose se mettant en rapport direct avec l’idéal de composition romantique : « Qu’il laisse le sentiment se déverser et l’écarte ensuite, tel un juge froid, pour polir son œuvre, la compléter et la corriger ». Ainsi s’exprimait Kazimierz Brodzinski (1791-1835) l’un des professeurs du jeune Chopin à propos de l’écriture. Le sentiment et son expression n’est alors, et se doit de le rester, qu’un instrument au service d’un but final qui est l’harmonieuse conjugaison d’une réflexion, de sentiments et d’une forme dans un tout que l’on nomme « œuvre ».
Le pianiste (et l’auditeur) ne doit pas sombrer dans une interprétation emplie de pathos, il passerait alors à côté de la pièce, sombrant dans un état qui n’est que le résultat d’un amour inconsidéré pour la faiblesse, l’immédiat. J’en veux pour illustration les mots de Goethe à propos de son œuvre Les souffrances du jeune Werther (1774). Face à « la fièvre de Werther » qui avait produit (outre une mode) quelques suicides, Goethe s’exprime ainsi dans ses correspondances : « on condamne une œuvre qui, mal comprise par quelques esprits bornés, a tout au plus débarrassé le monde d’une douzaine d’imbéciles et de propres-à-rien ! » L’aveu est fait : l’écrivain ne croit pas et ne cherche pas à croire son histoire, l’intérêt final n’est pas ici de souffrir. Dans cette courte citation on est frappé par l’humour et la distance qu’adopte Goethe, deux traits que l’on retrouve dans le jeu de Goode.
Comprendre ou jouer un nocturne seulement comme la souffrance, l’exaltation d’une âme face à une atmosphère propre serait une erreur. Certes ce point doit être dans l’interprétation, de même qu’en lisant un livre on ressent les transports des différents protagonistes, mais on ne doit s’arrêter à cet unique point. Une pièce serait alors un point de départ, une ouverture vers un élargissement intellectuel, une base de réflexion et de technique. On se doit de rester raisonnable face à une œuvre, de ne pas sombrer.
Ainsi hier soir Goode jouait comme Goethe écrivait ; il s’emplissait des émotions en gardant une distance, ayant pleinement conscience que la finalité ne se trouve pas dans l’unique exaltation d’un sentiment.

Ce son si particulier, d’une douceur telle que l’on se croyait dans un tableau d’Ingres où le velours se fait toucher, m’interrogeait sur la suite du programme. En effet la sonate si réputée Clair de Lune de Beethoven allait être parfaite pour son premier mouvement Adagio sostenuto, son deuxième Allegretto allait pouvoir s’exalter dans une atmosphère rieuse mais que faire du Presto de l’ultime mouvement ? Une pièce d’un naturel que l’on qualifie volontiers de violent. Comment Richard Goode allait-il, avec ses phrasés si voluptueux et ce son si doux, arriver à donner sa pleine puissance à cette pièce ? La réputation de notre homme dans le répertoire beethovenien ne laissait que peu de place à l’angoisse.
Le premier mouvement fut abordé avec une poésie, une émotion rare, gardant toujours le contrôle. Ce jeu si cristallin allait à merveille à cette ambiance propre à l’introspection, le second mouvement était rieur, peu dansant comme on l’entend souvent, juste rieur…les petits balancements du pianiste éclairaient parfaitement son désir de donner à ce passage son aspect concertant, où les voix se répondent avec candeur comme des rires d’enfants. Puis le silence se fit. Le musicien dans son troisième mouvement n’a pas cherché à atteindre une force, un aspect « piquant » comme on pourrait le retrouver chez Argerich, non, il a tourné cette pièce avec toute la grâce d’un danseur. Son jeu s’est fait plus agressif mais sans dépassé une limite qui lui aurait été fatale, il gardait perpétuellement le côté rêveur de la pièce. Cette interprétation donnait alors une vision littéralement différente, le troisième mouvement se reliait naturellement au premier et à ses rêveries. Goode propre à lui-même n’est pas tombé dans un jeu emphatique, les passages virtuoses gardaient toute la raison qui leur est nécessaire pour garder une crédibilité et ne pas tomber dans le « gratuit ». Une grande interprétation loin de celles qui sont dignes de la « peinture pompier ».

Puis le concert s’est poursuivit avec Debussy comme digne élève spirituel de Chopin et avec un magnifique scherzo n°4. Ce qui a été fascinant durant cette seconde partie c’était de voir que ce son si particulier qui le caractérisait dans son jeu avait presque disparu. Son touché était devenu plus direct, fort, parfois à la limite de l’agressivité. Il serait naïf d’attribuer ceci à une quelconque fatigue…si l’on observe alors le scherzo et la polonaise joués on réalise alors que ce jeu plus direct s’attache parfaitement à ces deux pièces. L’ultime polonaise était déchainée, le pianiste en poussait des gémissements et frappait du pied, lui si froid en début de concert, on l’imaginait alors déchiré comme la Pologne : Homme au bord du sentiment exacerbé, se devant de rester maître de son jeu…ne pas succomber à une « fièvre de Werther ».
L’apothéose des applaudissements finaux s’est fait interrompre d’une manière nonchalante, le musicien sorti de scène revient et se glisse devant son piano, son bras droit tendu jouant la première note de la pièce avant qu’il ne fut lui-même assis. Les deux derniers morceaux étaient d’une rare douceur, comme désignés pour bercer la soirée, la conclure sur une note d’amour maternelle. Le dernier rappel a donné naissance à une pièce troublante. Morceau de Chopin mais dans un style si proche de Bach que je doute même à l’attribuer à Chopin…illustration finale d’un hommage de Goode à Chopin et de Chopin à Bach.


Satyriquement, on est bien ici non ?